CHRISTOPHE GRÉGOIRE
COMME UNE LETTRE À LA POSTE
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Nouvelle publiée en 1998 dans la Revue Francophone N°15 aux Éditions Sol’Air sous le titre de « Une journée hors du commun » avec cette « note sur l’auteur » :
Christophe GREGOIRE : Mauvais élève, il arrêta sa scolarité pour apprendre un métier dans la restauration mais ce fut un échec car, par-dessus tout, il préférait écrire des poèmes. Après des histoires de lapins et tortues, il écrit des chansons d’amour pour des amis musiciens. Aujourd’hui travailleur social dans un foyer, il se tourne vers la nouvelle. Il puise son inspiration dans son quotidien et les faits divers et se sent heureux, le principal pour lui est de vivre, écrire et rêver ! Il est publié pour la première fois.
COMME UNE LETTRE À LA POSTE
Tout commença un matin d’automne. Du moins le suppose-t-on. Difficile d’en être certain. En tous cas, Giuseppe se leva vers 10 heures. C’était les vacances. Deux semaines attendues depuis longtemps. Sa femme, elle, travaillait ce jour-là. A dix heures vingt, il ouvrit sa porte d’entrée et scruta sa boite aux lettres : Trois missives : facture du garagiste, huit cent trente-quatre Euros, carte postale de la frangine en vacances en Californie et une enveloppe blanche, format classique, mais peut-être moins banale qu’elle ne le paraît. Giuseppe, qui était encore un peu dans les nuages, ne réagit pas tout de suite. Alors il l’ouvrit, machinalement. Et c’est au moment où il extirpa la lettre proprement dit que le déclic se fit. Cette écriture, il la connaît : c’est la sienne. Il réfléchit… nulle part il n’avait envoyé d’enveloppe mentionnant ses noms et adresse qu’il aurait écrits lui-même. Délicatement, il déplia le feuillet et ouvrit des yeux exorbités : la même écriture minuscule, hésitante… la sienne !
Quant au contenu…
« Mon cher Giuseppe,
Depuis qu’on se connaît – et pour cause – rends-toi compte que nous ne nous sommes jamais rencontrés, sauf dans les miroirs bien entendu ! Je te propose donc de pallier à cet état de fait en te donnant rendez-vous cet après-midi, sur la plage de Saint-Brévin-les-Pins, près du vieux blockhaus, vers 14 heures.
Arrange-toi pour y être, j’y serai aussi.
Amicalement, Giuseppe. »
« Quelqu’un me fait une blague ?? » s’interrogea t-il sans rire.
Mais il balaya cette hypothèse.
« Ce style, cette ironie, est-ce possible ? »
Machinalement, il se pinça le biceps gauche et se surprit à grimacer.
« Mais qu’est-ce que ça veut dire ? » recommença t-il, le ton grave.
Il se pencha sur la lettre, la disséqua, l’analysa, recherchant le moindre détail qui la trahirait. Il recopia la lettre à la virgule près. Même écriture, même espacement entre les mots, entre les lignes. Incroyable. Il réfléchit, la tête entre les mains, s’arrachant presque les cheveux devenant pourtant de plus en plus rares. Son visage devint pâle et sa main droite rechercha une cigarette salvatrice. Il regarda de nouveau la lettre. Il ne s’agissait pas d’une extraordinaire imitation. L’écriture n’est pas semblable à la sienne. C’était la sienne !